quinta-feira, 6 de dezembro de 2007

Prisons : un rapport stigmatise à nouveau les pratiques de l'administration française

Traitement inhumain et dégradant." Une nouvelle fois, le Comité de prévention de la torture (CPT) du Conseil de l'Europe stigmatise les prisons françaises. Dans son rapport, qui fait suite à des visites à l'automne 2006, le CPT s'inquiète principalement des conditions de santé, du placement à l'isolement, de la surpopulation carcérale.

Le rapport que Le Monde a pu consulter sera rendu public en même temps que les réponses françaises, quand le gouvernement, qui prépare une loi pénitentiaire, donnera son accord. La précédente visite du CPT, qui se rend régulièrement dans les lieux de détention européens, date de 2003.

Le CPT demande une "révision fondamentale" des critères de classement des détenus "particulièrement surveillés" (DPS), qui font l'objet de conditions de détention renforcée. Le rapport alerte le gouvernement sur les soins médicaux de ces DPS dans deux chambres sécurisées de l'hôpital de Moulins (Allier) : "Les détenus sont systématiquement fixés à leur lit sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et mains menottées au cadre du lit." La présence permanente de policiers enlève aux patients "le droit le plus élémentaire à la confidentialité et à l'intimité". Le personnel médical ne peut donner des soins "en respectant la dignité humaine". En conséquence, "le traitement médical se trouve perverti et devient dégradant".

ETATS DE SOUFFRANCE AIGUË


La question des entraves pendant la détention a déjà été contestée par l'Observatoire international des prisons, association de défense des droits des détenus, et par le Comité national d'éthique. Le CPT l'a dénoncée plusieurs fois, mais il y consacre une place particulière dans ce rapport : "Le comité en appelle aux autorités françaises afin qu'elles revoient l'ensemble des conditions dans lesquelles les soins sont prodigués aux détenus pendant les extractions médicales pour que les détenus puissent être soignés dans le respect de leur dignité."


A la maison d'arrêt de Fresnes, le CPT s'alarme de la situation de détenus qui doivent attendre, parfois une semaine, au service médico-psychologique, pour une hospitalisation psychiatrique d'office, dans des conditions indignes : "Les patients présentant des états de souffrance aiguë étaient placés dans l'une des cellules d'isolement, traités sous contrainte si nécessaire, et obligés de rester nus en cellule, soumis à un contrôle visuel régulier du personnel pénitentiaire. Il ne fait aucun doute aux yeux du CPT qu'une telle situation s'apparente à un traitement inhumain et dégradant pour le patient concerné (et est également dégradante pour le personnel concerné)."


A la centrale de Moulins, l'hospitalisation d'office des détenus particulièrement surveillés est quasiment impossible. Ils sont placés en quartier d'isolement ou en quartier disciplinaire. Là encore, il s'agit d'un "traitement inhumain et dégradant" pour le CPT qui demande au gouvernement de "revoir intégralement" les conditions de soins psychiatriques pour les DPS. Plus globalement, il s'alarme de "l'état dramatique dans lequel se trouve la psychiatrie pénitentiaire en France". Le CPT met en avant le sous-effectif du personnel soignant et souligne "le manque de coordination" entre médecine générale et psychiatrie au sein de la prison.

DIX-NEUF ANS EN ISOLEMENT

Le rapport souligne les abus du placement à l'isolement administratif. Ces mesures ont fait l'objet de nouveaux décrets en juin 2006, qui comportent des "aspects positifs", même s'ils n'étaient guère entrés en pratique lors de la visite. Prévu pour trois mois, "l'isolement est fréquemment une mesure de longue – voire très longue – durée." Un détenu de Fresnes était ainsi à l'isolement depuis dix-neuf ans. Les motivations de placement sont parfois disciplinaires. L'isolement devient alors "le lieu de rejet de détenus difficiles à gérer, psychiquement atteints, et, pour certains, atteints de pathologies psychiatriques graves".

Le CPT se préoccupe de l'organisation des "rotations de sécurité" qui permet le transfert de détenus jugés dangereux. Tout en reconnaissant qu'ils peuvent être nécessaires, "l'effet des transferts successifs sur un détenu pourrait dans certaines circonstances constituer un traitement inhumain et dégradant". Pascal Payet, qui s'est évadé cet été puis a été repris, a déposé un recours au Conseil d'Etat, après avoir subi vingt-trois changements d'établissement en quatre ans. La note confidentielle du garde des sceaux qui organisait ces mouvements depuis 2003 a été abrogée en août. Le CPT alerte sur cette situation depuis 1991.

Le comité en est à demander un programme de dératisation à Moulins, s'inquiète des conditions de fouilles, des violences entre détenus, de l'état des locaux de garde à vue. Il revient sur la question de la surpopulation pénale. S'il trouve la situation "moins dramatique qu'en 2003", la surpopulation est "aggravée par le nombre croissant de peines toujours plus lourdes prononcées". Le CPT reconnaît que "des efforts ont été déployés pour développer les alternatives à l'emprisonnement", mais "les résultats globaux de cet effort ont été dans l'ensemble de faible envergure". Même à la prison de Seysses, près de Toulouse, ouverte en 2003, "le principe de l'encellulement individuel est battu en brèche".

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